"Terrain à Déminer"

Groupe d'activistes en sciences sociales
et d'agité(e)s en société

jeudi 11 avril 2013

SORTIE HORS-SÉRIE DES 10 ANS


Dix ans de déminage et d’autolégitimation





Le TàD a rapidement trouvé son nom, en 2002, quelques semaines après sa naissance entre les deux tours des élections présidentielles de 2002. Cette référence au déminage vient d’un numéro de la revue d’Ethnologie Française intitulé Terrains minés1. Le sens particulier et peu connu donné au mot « terrain » en anthropologie, nous a parfois fait passés pour les membres d’une ONG de déminage à proprement dit. Quant aux mines, elles se sont avérées finalement assez différentes de celles énoncées dans la revue scientifique et classée : nos terrains minés ne sont pas ceux d’ethnologues qui travaillent dans la mafia ou au sein de groupes sur-ethnographiés. Il s’agit bel et bien des terrains académiques et universitaires qui nous ont fait croire comme le reste de la société dominante que nous étions démunis à faire des sciences sociales, que nous ne savions rien, n’étions bons à rien d’autres qu’à potasser et chercher…du travail. Pour dire vrai, au milieu de cette inertie pachydermique, certains universitaires nous ont retournés la tête tout en cherchant à nous titiller le bulbe militant. Ne mettons donc pas tout le monde dans le même sac. Mais c’était comme si, une fois dans le système, ils ne pouvaient plus faire ce qu’ils allaient nous amener à faire avec le TàD. L’Université de Nice aura donc joué un grand rôle dans cette association et son émancipation. Tout d’abord, ces quelques enseignants. Ceux qui s’engageaient dans leurs disciplines et leur transmission, qui y voyaient un sens politique2. Mais aussi ceux qui étaient au-delà de tout académisme. Croiser un Claude Gaignebet3 ou un Claude Alrancq sur sa route d’étudiant est aujourd’hui inespéré. Le TàD est né de cette énergie militante mariée à la soif de connaissance et au désir de rencontres, de transmission, de fête. L’Université, et en particulier le Département de sociologie et ethnologie, nous aura ensuite permis de vivre quelques années de façon autonome. Grâce à un merveilleux acte de piraterie, illégal mais ultra-légitime, notre jeune collectif récupérait les papiers d’une association étudiante endormie, ainsi que son compte en banque, tout cela en coupant du même coup tout lien avec la grande institution. Le Département nous a réclamés le remboursement de l’argent pendant plusieurs années. Nous avons pu quant à nous tout dépenser, sans aucun projet d’avenir, pendant deux années bien remplies : happenings, projections, carnaval, apéros-débats… Tout cela n’aurait pas pu avoir le jour également sans les Diables Bleus4, ce collectif mythique niçois, aujourd’hui invoqué par certains allumés lors de la Santa Capelina5. Ils nous testèrent puis nous firent confiance, nous y allions souvent, et certains de ces Diables sont venus ou revenus jusqu’à la fac pour y décaler les choses avec nous. C’est par souci démocratique, quelque peu nié à nos débuts presque staliniens, que nous avons sensibilisé d’autres étudiants à nos actions. Jusqu’à leur céder les rennes de l’entité mystérieuse. Le TàD a connu alors une époque trouble de photocopies de cours de fac, de conférences estudiantines, de recherche d’adhérents… Ce sérieux nous a cependant valu l’honneur de collaborer avec une salle niçoise engagée et de rencontrer Pierre Carles. Une belle leçon de radicalité. Après des rencontres décisives et malgré la dispersion de son personnel, le TàD s’extirpe du nouveau bureau pour renouer avec ses premières amours et donc tisser avec les nouvelles. L’équipe se dessine clairement. Les objectifs redéfinis avec consensus. Les envies s’emballent. La plupart s’embarque au même moment dans une thèse de doctorat. Précarité et sous-estimation de soi tracent un cercle vicieux pour les désormais « Tadettes ». La première anti-université d’été, en 2006, fera décoller la machine collective. Rien ne peut plus nous arrêter. Si ce n’est l’argent, nos thèses, nos mecs, nos enfants… mais non, on tient toujours bon. Cela grâce à notre volonté mais surtout à des personnages-clés de notre parcours sinueux et lent. Ara Nati et le Crieur Public de la Croix-Rousse, deux mondes différents, se sont frottés à nous et nous ont permis de faire que le TàD devienne lui-même. Qu’il sorte, qu’il se montre, qu’il s’expose. Entre Noailles et la Croix-Rousse, ce sont des révélations qu’ils ont suscitées au sein du collectif. C’est en 2009 que Sainte Précaire a fait des apparitions, que notre verbe s’est marié à la musique, que le pantai fut érigé au rang de concept, que le théâtre nous a effleurés, et que le TàDmag fut le plus distribué. Un homme de plus, le seul qui soit resté Tadette plus d’un an, nous a lui aussi donnés confiance en nous, il a offert une auto-légitimité au TàD, entre autres avec ses marionnettes et le fanzine. Puis le TàD c’est aussi des Tadettes, thésardes puis docteures, mamans puis salariées, aventurières puis professionnelles. C’est aussi plusieurs centres : Paris, Dunkerque, Marseille, Nice, Millau, Montpellier. C’est des croisements avec d’autres collectifs comme Clair de Terre et le CACA6. En 2011, après les prémices du TàDland en 2008, c’est le K-SOS qui voit le jour. Un projet exclusif mobilisant le collectif dans son entier, dans toute son ampleur. Le K-SOS nous permet de rencontrer un saint Pierre, des théâtreux occitanophones, le Plus beau théâtre du monde, la Manivelle, le ZinZan… Enfin une rencontre décisive avec les Scop Le Pavé et Vent Debout nous fait prendre conscience que notre action s’inscrit dans un champ partagé et ancré, celui de l’éducation populaire. Nous l’ignorions, ou plutôt devrais-je dire le savions-nous sans mettre des mots ou des techniques explicites. Notre chemin vers l’auto-légitimation fut un parcours semé de rencontres qui nous ont poussés à nous sentir légitimes. Personne n’est jamais vraiment autodidacte. C’est la somme de toutes ces influences qui nous ont fait et nous ferons grandir encore.

1 TERRAINS MINÉS. Dionigi Albera. P.U.F. | Ethnologie française. 2001/1 - Vol. 31
2 Nous pensons en particulier à Agnès Jeanjean et Dejan Dimitrijevic, toujours enseignants à Nice à l'heure où nous écrivons.
3 Notre cher rabelaisien nous a quittés à la Sainte Agathe. Le carnaval n’aura jamais autant pété que cette année.
4 Nom inspiré des chasseurs alpins desquels ils squattaient les casernes désaffectées jusqu’à ce que la municipalité rase les bâtiments pour y faire un parking pour le personnel et les étudiants de la fac !
5 Fête traditionnelle niçoise et rendez-vous annuel du TàD, du nom de la sainte patronne du pantai.
6 Collectif Anonyme du Carnaval Ambulant.





UN NUMÉRO DOUBLE SUR LA LÉGITIMITÉ avec au sommaire :

- un poster détachable
- le courrier du lecteur
- la chronique du Pr Proutskaïa : "Molles ?"
- deux entretiens inédits de Tadettes (Anaïs et Marion), archives de 2006 !
- des contributions, exclusives ou pas, d'invités (Florent Charras, Claude Sicre, Natacha Trotsky, Tatiana Arfel...)
- un dossier spécial "Occitanique"
- le patrimoine caché du TàD
- rubrique "des armes des mots" : Ontologique

PRIX LIBRE !


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